Kaol Kozh cultive la biodiversité (Alternatives Economiques, juillet-août 2018)

En Bretagne, maraîchers, producteurs amateurs et scientifiques, réunis dans une association, défendent l’autoproduction et le partage de semences adaptées au terroir et au bio.

Dans le champ de René Léa, à Plouescat, dans le Finistère, une poignée de choux-fleurs semblent avoir échappé au ramassage et offrent leurs pommes blanc crème au soleil timide de mars. Ce sont les plants choisis par ce maraîcher bio pour produire les graines de ses futures récoltes.

Chou de Lorient, brocoli violet du Cap, ou oignons rosés d’Armorique, sur sa ferme de 14 hectares, les légumes du cru sont à l’honneur. René et Malou Léa cultivent une vingtaine de variétés et environ 150 tonnes de légumes par an, commercialisés sous forme de paniers bio ou en circuit long par le biais de l’organisation de producteurs BioBreizh.

Tous sont issus de semences produites à la ferme. Une situation atypique alors qu’en France la majorité des maraîchers achète ses graines auprès de semenciers. La filière semences potagères – la deuxième plus importante dans l’Hexagone derrière le maïs – a ainsi généré un chiffre d’affaires de 773 millions d’euros l’an dernier.  René Léa, lui, a fait le choix des semences paysannes : des semences issues de variétés population[1], libres de droits qu’il sélectionne et multiplie lui-même, au champ.

Refus de semences manipulées

Ce choix est né du refus d’utiliser des graines produites à l’aide de biotechnologies, bien que non classées OGM, qui ont colonisé les catalogues de semences, même bio, de certaines espèces. Pour les maraîchers de BioBreizh, ces « OGM cachés » sont contraires à l’éthique de l’agriculture biologique. Ils se sont donc doté d’un cahier des charges les rejetant.

En 2007, une quinzaine d’entre eux, rejoints par  des producteurs en circuits-court, des jardiniers amateurs et des scientifiques, crée Kaol Kozh (signifiant “vieux chou” en Breton), une association pour la préservation de variétés de légumes adaptés aux terroirs bretons et à l’agriculture biologique. Elle compte environ 50 membres dont 30 maraîchers.

Leur objectif ? Faire revivre des légumes autrefois cultivés en Bretagne, mais progressivement remplacés, en dépit de leurs qualités gustatives et agronomiques, par des variétés hybrides F1[2] offrant de meilleurs rendements.

Travail avec les chercheurs

Pour retrouver des variétés, Kaol Kozh de l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA). « Dans les années 1970 et 1980, avant que l’on ait perdu la diversité paysanne, des programmes européens ont permis de congeler les semences de certaines variétés. Nous sommes partis de là pour voir celles qui pouvaient être reprises et adaptées », explique Véronique Châble, ingénieure de recherche à l’Inra de Rennes.

Retrouvez la suite de ce reportage de Marion Perrier dans le numéro de mars 2018 d’Alternatives Economiques et sur le site du magazine www.alternatives-economiques.fr.

 

[1] Variété population : variété constituée par un ensemble de plantes qui présentent des caractéristiques génétiques communes mais aussi une certaine hétérogénéité. Elle peut être reproduite par les agriculteurs et sa diversité lui permet de s’adapter à ses conditions de culture.

[2] Variété hybride F1 : variété issue de la recherche d’un semencier couvert par un droit de propriété intellectuelle, obtenue par le croisement de deux lignées pures. La première génération issue de ce croisement, appelée F1, donne un ensemble de plantes quasi clones, présentant des qualités supérieures à celles des deux parents. Leur reproduction est interdite et ne présente aucun intérêt : on obtient des plantes chétives et très disparates, ne disposant plus de qualités de la première génération.

 

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