Il y a l’agneau. Et puis il y a l’agneau des prés-salés, plus gouteux, plus cher, plus dur à élever aussi. Alors, à l’ombre du Mont-Saint-Michel, les éleveurs ont presque fini par se faire la guerre. Intimidations, coups tordus et enlèvements : tout est là.
Cancale, son port de pêche, sa mer qui moutonne, ses chefs qui mitonnent. Depuis son restaurant étoilé, La Table de Breizh Café, Raphaël-Fumio Kudaka revisite les classiques de la cuisine locale à la sauce japonaise. Ici, le homard des îles de Chausey est proposé façon Sui Gyoza, enveloppé dans un ravioli en forme de demi-lune, et les langoustines sont délicatement frites en tempura. Quant à l’agneau des prés salés, il est cuisiné en maki, pané dans de la chapelure japonaise, et accompagné par du riz, des algues et du fenouil mariné. “C’est une viande exceptionnelle, l’équivalent français du bœuf de Kobé”, clame le chef au sujet du produit-phare de la région. Mais lorsqu’ils enlèvent leurs chaussures et s’installent autour des tables basses, admirant la vue sur les récifs, les clients du très zen chef se doutent-ils que le divin agneau est au cœur d’une querelle au couteau entre éleveurs ? Rapts de béliers en guise d’intimidation, moutons dopés aux hormones et à la lumière artificielle, bras de fer entre écologistes et élus locaux… Depuis plusieurs années, la baie du Mont-Saint-Michel est déchirée par une véritable guerre des moutons, qui montre à quel point le terroir est devenu l’objet de luttes économiques et politiques.
Lire la suite du reportage de Margherita Nasi dans Society n°79