Ils surfent sur les greentechs pour lancer leur start-up (Le Monde Campus, novembre 2015)

« Quand nous parlions de notre projet de bioraffinerie d’insectes, on nous prenait pour des fous », se souvient Alexis Angot cofondateur d’Ynsect. Cinq ans plus tard, sa start-up a levé 7,3 millions d’euros en 2014, emploie 30 salariés et construit sa première usine d’élevage d’insectes à partir de résidus industriels (son de blé, déchets de biscuiterie). La farine produite est destinée à l’alimentation animale. Mais ce diplômé de l’Ecole supérieure des sciences économiques et sociales (Essec) imagine déjà de nombreux autres marchés : alimentation humaine, cosmétique… Comme lui, les jeunes entrepreneurs sont de plus en plus nombreux à parier sur les technologies vertes.

Face à cet engouement, Paris & Co incubateurs a créé un programme Cleantech & Smart City, il y a quatre ans. « La moitié de nos start-uppeurs à 60 % ingénieurs a moins de 30 ans. 20 % d’entre eux ont monté leur projet en sortie d’école. Mais la grosse majorité a une expérience de deux ou trois ans dans de grands groupes ou dans le conseil. Ils ont acquis du savoir-faire avant de se lancer dans ce secteur, qui demande souvent plus d’expérience, d’investissements et de recherche et développement (R&D) que d’autres », détaille Yann Bercq-Delost, son responsable.

718 jeunes pousses vertes

De manière générale, la France compte 718 « jeunes pousses vertes » (5 000 dans le numérique en comparaison), dont les trois quarts ont été créées après 2008, selon le 4e Observatoire des start-up françaises des cleantech publié en mars 2015 ; 21 % sont dans les énergies renouvelables, 20 % dans l’efficacité énergétique, 16 % dans les transports, 8 % dans les services et ingénierie et 6 % dans le recyclage.

« Les jeunes green entrepreneurs parient sur des secteurs où l’idée est rapidement réalisable, sans gros financements et sans grande technicité. Par exemple, dans le collaboratif et/ou les applications mobiles, comme c’est possible dans l’écomobilité par exemple (BlaBlaCar, Drivy). Les trentenaires peuvent développer des projets plus industriels, sur les énergies renouvelables ou l’efficacité énergétique », explique Paul Foucher, chef de projet Cleantech Open France, un concours dédiés aux start-up éco-innovantes.

Quelles sont leurs motivations ? Pour Quentin Martin-Laval, 27 ans, X-Ponts, cofondateur d’Echy, une solution pour amener la lumière du jour à l’intérieur des bâtiments par fibre optique, « la conviction sociétale est importante. Durant nos études, on nous a répété qu’en tant qu’étudiants du XXIsiècle, nous devions prendre en compte les évolutions environnementales. Je veux monter une boîte pour créer de la valeur concrète. Pas comme en finance ».

« Le plus passionnant est la place pour l’innovation », explique de son côté, Lucile Noury, 27 ans, cofondatrice de GreenCREATIVE, jeune société qui développe des machines-robots innovantes pour le recyclage.

Ils l’assurent : l’écosystème français est très favorable aux start-up vertes. « Le secteur a le vent en poupe auprès des pouvoirs publics », assure Alexis Angot. « La France est bien lotie en aides à l’innovation, et il existe de nombreuses subventions orientées green, comme celles de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) ou de la Banque publique d’investissement (BPI) », se réjouit Lucile Noury.

Sans compter les réseaux de business angels (DDIDF), les fonds d’investissement spécialisés dans le développement durable (Emertec ou Demeter Partners), ceux qui ont des équipes dédiées et les fonds d’entreprises consacrés aux technologies propres (Electranova Capital d’EDF, GDF Suez New Ventures, Ecomobility Ventures de la SNCF, Total, Orange, etc.), qui sont aussi de plus en plus nombreuses à créer des incubateurs internes.

Le rôle des pouvoirs publics

Mais pour Quentin Martin-Laval, le secteur ne peut se développer sans plus d’implications des grands industriels : « Ils en sont encore à faire de la veille car ils ne savent pas comment rendre rentable ce qu’ils observent. » En effet, si beaucoup de start-up des cleantech émergent, l’enjeu est de passer au stade supérieur. « La difficulté dans les éco-innovations est que le profil d’investissement est souvent deux fois plus long et pas forcément plus rentable qu’ailleurs », observe-t-il.

D’où le rôle déterminant des pouvoirs publics. « L’avancée de la législation est ce qui donnera l’impulsion dans le futur. Et ça va dans le bon sens », estime Thomas Lefèvre, fondateur de Natureplast, une entreprise de bioplastiques, cinq ans après sa sortie de l’Ecole de management de Normandie. 65 % des jeunes pousses voient la Cop21 comme une opportunité, souligne l’observatoire des start-up françaises des cleantech.

Léonor Lumineau

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