Le stand-up rencontre un succès croissant, porté par les formats vidéo et les podcasts. N’hésitant pas à aborder des sujets tabous, les humoristes turcs se produisent de plus en plus à l’étranger, soutenus par la diaspora.
L’heure de la représentation approche. La file d’attente s’allonge devant le Ses Tiyatrosu (littéralement, « théâtre de la voix »), haut lieu de la comédie, situé sur la grande avenue Istiklal, au cœur d’Istanbul. En coulisses, Deniz Göktaş, 30 ans, fait les cent pas dans sa loge. Une épaisse moustache noire donne une fausse sévérité à son visage. Il répète, à voix basse, son texte. « C’est ma quatrième représentation ici, mais cela m’impressionne toujours de venir jouer sur cette scène », reconnaît-il, nerveux.
Le jeune humoriste vit du stand-up depuis trois ans désormais, mais il ne s’est toujours pas débarrassé de sa timidité. Et jouer au Ses Tiyatrosu, d’une capacité d’environ cinq cents places, restauré en 1989 par le célèbre humoriste Ferhan Şensoy (1951-2021), reste un privilège. A peine devant le public, sa fébrilité semble s’évanouir et le voilà parti pour une heure et demie de show devant une salle comble.
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Le stand-up offre ainsi une parenthèse, un moment cathartique que Deniz Göktaş qualifie volontiers de « thérapie de groupe ». « Les spectateurs me disent souvent que, grâce au stand-up, ils se sentent moins seuls, poursuit-il. Politiquement, les gens ont besoin de ça, car les représentations offrent un espace plus politique, moins censuré, où on peut parler de sexualité, par exemple, et d’autres sujets tabous. C’est ce qui fait son succès. » « Plus il existe une pression politique, plus les gens essaient de fuir et tentent de trouver des fenêtres pour respirer », confirme Hakan, ingénieur de 27 ans, à la sortie de la représentation de Deniz Göktaş.
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