La tête hors du box, Luminate, fine jument baie dotée d’une étoile blanche sur le chanfrein, regarde paisiblement le ballet des hommes qui s’agitent. En cet après-midi de mai ensoleillé, c’est l’heure du défilé des propriétaires dans les écuries de l’hippodrome de Saint-Cloud. Élégamment vêtus, parfois cigare au bec, ils prennent la température avant le départ. “Les siens, vous ne pouvez pas les manquer, ils sont vingt, des Anglais… C’est un peu la colonie de vacances! D’ailleurs je leur interdis de venir la voir trop tôt, sinon c’est le bazar”, lance le garçon de voyage en souriant, tout en sortant l’équidé de sa stalle. Quelques minutes plus tard, la troupe ne passe effectivement pas inaperçue. “Elle est là? Elle est là?”, “Est-ce qu’elle a l’air en forme? Ah oui, elle a l’air bien!” Une élégante femme en chapeau de paille et larges lunettes blanches lui caresse le bout du nez, deux autres lui flattent l’encolure en lui susurrant des mots doux, un homme cravaté aux couleurs de la casaque – bleu pastel et foncé – la photographie. Ils sont arrivés la veille pour voir courir leur protégée, récente vainqueur du Prix Pénélope et favorite aujourd’hui, avec en ligne de mire le Prix de Diane. Chacun en possède une “part” à travers l’écurie de groupe Highclere Thoroughbred Racing. “Seule, je n’ai pas les moyens d’être propriétaire: il faut compter l’achat de l’animal et 30 à 40 000 euros par an pour l’entraîner et l’entretenir. A plusieurs, ces coûts et les risques sont divisés. Là, j’ai déboursé environ 19 000 euros pour entrer dans cette écurie. C’est une somme, mais c’est abordable pour s’offrir un rêve : être propriétaire d’une cheval de course ”, sourit Vanda Baker, tailleur noir et blanc et rouge à lèvres rose pailleté. A l’image d’Highclere Thoroughbred Racing, société presque trentenaire, les écuries de groupe se développent dans l’hexagone depuis quelques années.
Un reportage de Léonor Lumineau et Stéphane Dubromel à la photo à lire dans le n°2 de Dada (So Press) paru en juillet 2018.