La Fourmilière
  • Accueil
  • Le Collectif
    • Le Projet
    • Les fourmis
  • Articles
    • Economie
    • Social
    • Environnement
    • International
  • Photos
  • Vidéos
  • Contacts
Social, Economie, Environnement 0

Les anciennes d’Amisol demandent justice

Par Marion Perrier · Le 8 février 2013

L’Humanité – Alors que le dernier patron d’Amisol, fermé en 1974, pourrait bénéficier ce vendredi d’un non-lieu dans une des affaires les plus emblématiques du scandale de  l’amiante, ses anciennes salariées veulent que sa responsabilité soit reconnue.

Publié dans L’Humanité, le 8 février 2013

Que la justice pénale reconnaisse la responsabilité de leur employeur mis en examen pour empoisonnement et homicide involontaire. C’est tout ce que demandent celles qui sont la mémoire vivante d’un des premiers scandales de l’amiante. Vendredi, la chambre l’instruction de la cour d’appel doit prendre sa décision concernant le non-lieu requis par le parquet à l’égard de Claude Chopin, dernier patron de l’usine clermontoise Amisol. Réunies la semaine dernière à la Maison du peuple de Clermont-Ferrand, Josette, Marie-Jeanne, Maria-Raquel et beaucoup d’autres anciennes ouvrières ont tenu à raconter leur histoire. Une nouvelle fois, elles se le sont promis, elles ne lâcheront pas. « L’histoire a tranché, les patrons de l’amiante sont des empoisonneurs. Maintenant, il faut que la  justice passe ! »assène Josette Roudaire, une ancienne ouvrière et syndicaliste CGT. Avec ses collègues, cela fait trente-neuf ans qu’elle lutte.

Des conditions de travail effroyables

Jusqu’à la fermeture d’Amisol, en 1974, elles ont travaillé l’amiante dans des conditions effroyables. Livré à l’usine dans des sacs, le matériau était broyé, tressé et transformé pour répondre aux besoins d’autres entreprises. « J’étais à la filature, raconte Maria-Adélia Valente. Parfois, il y avait tellement de poussière qu’on ne voyait pas la collègue à un mètre de  distance, de l’autre côté de la machine. » « Dans le bus, les Michelin me disaient : “Tu as été plumer tes oies ?”, tellement j’étais blanche », se souvient l’ouvrière.

« L’enfer blanc » décrit par les journaux, peu après la fermeture de l’usine, saute aux yeux sur les photos d’alors. Sur les murs, les fibres d’amiante forment de gigantesques toiles d’araignée. Au sol, le matériau s’entasse et les machines, vétustes, sont recouvertes de poussière. Pourtant, lorsque la manufacture ferme, en 1974, c’est d’abord pour sa réouverture que luttent les 271 salariés, qui l’occupent pendant de longs mois. « On était des mères de famille. On ne demandait qu’à travailler », explique Marie- Jeanne Outurquin. Si la maladie et la mort ont commencé à frapper, il faudra la visite d’un
scientifique de Jussieu, Henri Pézerat, en 1976, pour que les anciens d’Amisol apprennent
les dangers de l’amiante.

Alors qu’en France, une première alerte avait été lancée en 1906 par l’inspection du travail de Caen et que l’asbestose, une fibrose pulmonaire liée à l’inhalation d’amiante, était reconnue dans le tableau des maladies professionnelles depuis 1950, personne n’avait jusqu’alors alerté les travailleurs clermontois. Ni leurs employeurs, Maurice Chopin puis Claude, son fils, ni le médecin du travail pourtant  spécialiste de l’amiante. La lutte change alors d’objectifs. La colère donne des forces aux ouvrières qui, petit à petit, obtiennent leurs premières victoires, un suivi médical, une indemnisation. « Elles ont été les premières à prendre conscience de la nécessité impérative de briser le silence et de se battre pour leurs droits », souligne Annie Thébaud-Mony, sociologue à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. En 1995, elles créent le premier Comité amiante prévenir et réparer. En 1997, la substance est définitivement interdite.

Plainte au pénal

La même année, elles déposent une plainte au pénal contre Claude Chopin, qui a dirigé l’usine pendant ses six derniers mois. Son père, lui, est décédé. L’instruction touche aujourd’hui à sa fin, mais, en novembre, l’avocat de l’ancien PDG a demandé un non-lieu, estimant que la durée de l’enquête portait atteinte à son droit à un procès équitable. Le parquet, quant à lui, estime que, « compte tenu des difficultés de trésorerie de l’entreprise, de la situation sociale en son sein, on ne voit pas quel type de mesure aurait pu être mis en place ». « Un scandale dans le scandale ! » pour Jean-Paul Teissonnière, avocat des victimes. « Si l’employeur n’avait pas les moyens de prendre des mesures de sécurité, il suffisait d’arrêter les machines », résume- t-il. Pour les ouvrières, il est hors de question de baisser les bras.

Vendredi dernier, elles se sont unanimement prononcées en faveur d’un pourvoi en cassation, dans le cas où la décision de la cour d’appel leur serait défavorable. « Claude Chopin a empoché des millions. Pour nous, l’héritage d’Amisol, c’est le poison et la maladie, rappelle Josette Roudaire. Nous ne redonnerons pas vie aux morts d’Amisol, mais cette action devant les tribunaux, c’est pour que cela ne se reproduise plus jamais. » Car leur combat, elles le mènent d’abord pour l’avenir, pour que les crimes industriels ne soient pas marqués d’impunité.

Leur souffrance et leurs maux, elles en parlent peu, et toujours avec dignité. Amisol, pour elles, c’est aussi ça, des stigmates qu’elles portent dans leur corps, dans leurs poumons sous forme de plaques pleurales, les douleurs, la gêne respiratoire et, en permanence, la menace du cancer. « La blessure, on la garde. Malgré tout, elle est là. On ne la digère jamais. Il faut la porter tous les jours », souffle Maria-Raquel Fernades, dont le père, qui avait aussi travaillé à Amisol, a été emporté par un cancer. Autour d’elle, on sent les ouvrières soudées. C’est sans doute ce collectif qui a fait la force de la lutte des anciennes d’Amisol.

AmisolClermont-Ferrandamiantejusticesantétravail
Partager Tweet

Marion Perrier

Formée à l’IEP de Rennes et à l’Institut Français de Presse en 2012, je suis pigiste depuis ma sortie d’école et spécialisée en presse écrite. Mon créneau : raconter l’économie sous toutes ses formes, interroger le monde du travail, témoigner des luttes sociales, questionner et donner à voir mais surtout à comprendre, avec des mots. Je collabore régulièrement avec les rédactions de l’Humanité et de Capital. Adepte de l’enquête, je souhaite développer des projets au long cours autour des sujets qui m’interpellent, liant questions économiques, sociales et environnementales, depuis Paris ou ma Bretagne natale, jusqu’aux quatre coins de la planète.

D’autres articles sympas des fourmis

  • Economie

    Faire ferme commune pour changer l’agriculture (Alternatives Economiques, février 2022)

  • Environnement

    Espèces exotiques : sus aux envahisseurs ! (Alternatives Economiques, novembre 2021)

  • Social

    Béguinages pour seniors, la renaissance d’un concept d’habitat alternatif (Alternatives Economiques, octobre 2021)

Archives

  • février 2022
  • décembre 2021
  • novembre 2021
  • octobre 2021
  • septembre 2021
  • août 2021
  • juin 2021
  • mai 2021
  • avril 2021
  • mars 2021
  • janvier 2021
  • décembre 2020
  • novembre 2020
  • octobre 2020
  • septembre 2020
  • août 2020
  • juin 2020
  • mai 2020
  • mars 2020
  • février 2020
  • janvier 2020
  • novembre 2019
  • octobre 2019
  • août 2019
  • juillet 2019
  • juin 2019
  • mai 2019
  • avril 2019
  • mars 2019
  • février 2019
  • janvier 2019
  • décembre 2018
  • novembre 2018
  • octobre 2018
  • septembre 2018
  • août 2018
  • juillet 2018
  • juin 2018
  • mai 2018
  • avril 2018
  • mars 2018
  • février 2018
  • janvier 2018
  • décembre 2017
  • novembre 2017
  • octobre 2017
  • septembre 2017
  • août 2017
  • juillet 2017
  • juin 2017
  • mai 2017
  • avril 2017
  • mars 2017
  • février 2017
  • janvier 2017
  • décembre 2016
  • novembre 2016
  • octobre 2016
  • septembre 2016
  • août 2016
  • juillet 2016
  • juin 2016
  • mai 2016
  • avril 2016
  • mars 2016
  • février 2016
  • janvier 2016
  • décembre 2015
  • novembre 2015
  • octobre 2015
  • septembre 2015
  • août 2015
  • juillet 2015
  • mai 2015
  • avril 2015
  • mars 2015
  • février 2015
  • janvier 2015
  • novembre 2014
  • octobre 2014
  • août 2014
  • juillet 2014
  • juin 2014
  • mai 2014
  • avril 2014
  • mars 2014
  • février 2014
  • janvier 2014
  • décembre 2013
  • novembre 2013
  • octobre 2013
  • septembre 2013
  • juillet 2013
  • juin 2013
  • février 2013
  • janvier 2013
  • décembre 2012
  • novembre 2012
  • juillet 2012
  • octobre 2011
  • juillet 2011

Newsletter

  • Le Projet
  • Les fourmis
  • Contacts

© 2016 Collectif La Fourmilière