L’usine qui transforme le phosphate en engrais rend malade la terre et les hommes.
Début juin, midi, Gabès. Le soleil tape dur sur le port de pêche méditerranéen. La saison de la crevette bat son plein. Pourtant, filets et bateaux sont à quai.
Face aux coques colorées, Nazih Aoudi soupire. “J’ai un bateau mais je n’ai plus de marins depuis trois ans. Plus personne ne veut travailler dans la pêche”, déplore l’armateur de 48 ans. Pour ramener poissons et crustacés, les pêcheurs vont loin, très loin. Ils vont tremper leurs filets du côté de Sfax ou Zarzis, à plusieurs centaines de kilomètres de Gabès. Des navigations longues, donc plus chères, et des recettes maigres voire nulles. Pourquoi ces pêcheurs côtiers fuient-ils leur baie ? La réponse se trouve sous la surface de l’eau : la faune a quasiment disparu. Rien à voir avec la vie sous-marine bouillonnante des années 1970. “À l’époque, on trouvait de tout : crevettes, poulpes, seiches, sardines, liste avec nostalgie Nazih. Le golfe de Gabès était la pépinière de la Méditerranée. Beaucoup de poissons venaient ici pour se reproduire.” L’Association tunisienne de l’environnement et de la nature a fait les comptes : la baie de Gabès est passée de 270 espèces marines dans les années 1960 à 70 aujourd’hui.
Un reportage d’Hélène Bielak avec les photos d’Augustin Le Gall, à retrouver ici.