Cure de Parole pour les bourreaux (Causette, Novembre 2019)

Le 25 novembre, c’est la Journée pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. L’un des moyens de lutte contre ce fléau est la prise en charge thérapeutique des auteurs de violences conjugales. A Tours, des psychologues s’efforcent de les faire sortir du déni pour qu’ils ne répètent plus leurs comportements.

C’est une petite salle aux vitres opaques, non loin de la gare de Tours (Indre-et-Loire). De l’extérieur, on distingue seulement quelques silhouettes. Une dizaine d’hommes sont assis autour d’Emmanuelle Doineau et Julie Bonhommet, les psychologues d’Athoba, le service d’accueil thérapeutique pour les auteurs de violences conjugales de l’association Entraide et Solidarité.

Sur le tableau, des phrases inscrites en couleur sont soumises aux participants : « Quand on s’engueule, elle me suit partout dans la maison, je finis par la bousculer pour qu’elle me laisse tranquille ». « Violence physique », commente l’un d’eux. « Mais, si elle le harcèle, à un moment il faut arrêter », s’emporte un autre. « Elle veut des réponses », explique Emmanuelle Doineau. « On s’engueule d’accord, mais si elle me cherche, elle me trouve. Une fois je l’ai balancée sur le canapé », poursuit le jeune homme à qui la phrase évoque visiblement sa situation personnelle. « Et ce n’est pas de la violence ? », interroge posément la professionnelle. « Si, mais c’est une juste réponse à ce qu’elle fait », assène le jeune homme. Un troisième intervient : « ce n’est pas une réponse proportionnée. Il y a peut-être moyen de désamorcer autrement ».

Amener les auteurs à parler pour les responsabiliser et faire en sorte qu’ils ne répètent plus ces comportements, tel est l’objectif d’Athoba. « Pour qu’il n’y ait plus de victimes de violences conjugales, il faut éradiquer les auteurs. On ne va pas les flinguer ! Donc faisons en sorte que les hommes ne soient plus des auteurs », tempête Véronique Livéra, la cheffe du service, derrière ses lunettes violettes. C’est dans cet esprit qu’elle a répondu banco à la proposition de Nadine Lorin, déléguée départementale aux droits des femmes, de mettre en place ce dispositif de suivi.

Depuis 2008, une cinquantaine d’hommes est accompagnée chaque année. 77 % y sont contraints par la justice. Les autres sont « volontaires ». « Mon amie m’a orienté ici. C’était une condition pour continuer ensemble », admet Jonathan*, un artisan de 32 ans, qui s’est montré violent psychologiquement et verbalement. Il fréquente le service depuis un an et demi.

Chacun des patients fait l’objet d’une évaluation puis signe un contrat de responsabilisation par lequel il s’engage à renoncer à toute forme de violence. Mais lorsque débute leur suivi, en séance individuelle ou collective, la plupart n’en sont pas moins dans le déni. « Ce sont souvent des pros de la manipulation. Notre travail est de repérer toutes leurs tentatives de minimisation, de banalisation et de pointer la violence. On est toujours dans le rappel à la loi », précise Julie Bonhommet. Les amener à cheminer est tout sauf facile. « Ils font souvent preuve d’une grande rigidité de pensée, ont des discours très stéréotypés et des personnalités égocentrées. Beaucoup ont du mal à imaginer ce que la victime peut ressentir », souligne Emmanuelle Doineau […]

 

Lisez la suite de ce reportage de Marion Perrier dans le Causette de novembre 2019. 

 

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