Un tremplin pour les apprentis fermiers (Le Parisien Magazine, 19 février 2016)

A Blois, dans le Loir-et-Cher, une couveuse d’activités agricoles permet aux futurs paysans de tester la viabilité de leur projet de maraîchage bio. En toute sécurité.


 

Pour apprendre, il n’y a pas d’âge. A 42 ans,  Ary Régent s’initie au métier de maraîcher. Accroupi au milieu des serres, il observe ses plantations avec fierté. « Ça, c’est de la belle mâche, bien verte ! L’an passé, je les avais plantées trop serrées et les feuilles du dessous étaient jaunes.

Je passais un temps fou à les trier, ce n’était pas rentable. » Une erreur de débutant, mais pas dramatique : Ary est ici pour se tester. Il est hébergé au sein d’une couveuse d’activités agricoles, Les Prés d’Amont.

30 % des candidats ne sont pas du sérail

Implantée depuis 2009 au sein du lycée horticole de Blois (Loir-et-Cher), avec le soutien financier des collectivités locales, cette structure, imaginée sur le modèle des incubateurs d’entreprises high-tech – qui accompagnent les projets de création de société –, permet à des candidats à l’installation d’enfiler la casquette de chef d’exploitation à moindre risque. Outre les terres et le matériel mis à leur disposition, ils disposent, durant un à trois ans, d’un statut protecteur. « Ils sont hébergés juridiquement par la couveuse, ce qui leur permet notamment de continuer à bénéficier d’allocations chômage », explique Brigitte Macrez, responsable du programme. En sept ans d’existence, le dispositif a accueilli cinq apprentis venus tester leur projet de maraîchage bio. Un seul a jeté l’éponge, pour devenir salarié agricole, statut qui lui allait mieux.

Le monde rural séduit : 30 % des nouveaux chefs d’exploitation ne sont pas du sérail. Avant d’intégrer la couveuse, en 2014, Ary, lui, était responsable technique dans le bâtiment. La réalité peut être cruelle pour ces aspirants paysans qui, par manque d’expérience ou de réseau, peinent parfois à trouver des terres ou à jongler entre les rôles de commercial, gestionnaire et technicien, le tout pour un revenu souvent inférieur au Smic.

S’assurer que leur démarche a de l’avenir

« As-tu pensé à tendre les fils qui maintiennent les bâches ? » glisse Brigitte Macrez à l’apprenti paysan alors que le vent malmène les serres en plastique. Un geste dont l’importance ne s’apprend que sur le terrain. Ary s’est aussi essayé à la vente sur les marchés, avant d’opter pour le panier « livré au pied du bureau », plus rentable et moins aléatoire. Surtout, il a bénéficié des conseils d’un technicien agricole pour établir ses plannings de culture. « J’ai été surpris pas la dimension technique du métier : si on plante trop tard, on a des légumes plus difficiles à vendre, trop petits ou hors saison. » Loïck Pierret, 38 ans, le rejoint dans le garage. Après de multiples métiers dans l’environnement et des études agricoles, il vient de quitter Les Prés d’Amont pour s’installer comme maraîcher bio à 30 kilomètres de là. « L’expérience m’a donné du crédit pour convaincre les banques et les propriétaires de terres », explique ce grand blond qui a pu se constituer une trésorerie et une clientèle. Désormais rodés au métier, les deux « couvés » sont sûrs que leur projet a de l’avenir, quand la demande pour une agriculture bio et locale augmente. Loïck s’est déjà lancé, Ary le fera dans un an, dans les meilleures conditions. Preuve que le dispositif répond à une demande, en sept ans, une trentaine d’initiatives de ce type ont fleuri en France, accueillant quelque 200 apprentis.

Marion Perrier

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