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Une directrice michto (L’Humanité Dimanche, avril 2015)

Par Elsa Sabado · Le 4 avril 2015

Véronique Decker est la directrice de l’école Marie-Curie, à Bobigny, où sont scolarisés de nombreux enfants Rom. Militante dévouée à l’excès, intransigeante, voici le portrait d’une combattante.

« Je n’aime pas particulièrement les Roms. Pas plus que les africains, ou les chinois. Simplement, je fais mon travail : je scolarise les élèves de mon secteur. Ce sont les autres directeurs d’école qui ont rompu une pratique républicaine vieille d’un siècle, en refusant d’inscrire les élèves des bidonvilles. En pensant que cela empêcherait les roms de s’installer dans leur commune ». Vous regardant par dessus ses lunettes, le ton et les yeux de Véronique Decker sont sévères. Sa voix puissante roule dans le salon de son pavillon, où les flammes du poêle à bois éclairent les unes vieillies du Petit Journal suspendues aux murs. Puis elle s’allonge dans son canapé en cuir et ferme les yeux. Elle est épuisée. Une quinzaine d’élèves de Marie Curie, l’école de Bobigny qu’elle dirige, ont été expulsés du camp des Coquetiers au début des vacances de la Toussaint. Depuis, elle remue ciel et terre pour leur trouver des solutions de relogement.

Les Roms, elle les a vu arriver en 2005. « Gitans Yougoslaves, enfants soldats du Libéria, Vietnamiennes abandonnées…J’en ai vu passer des vertes et des pas mûres. Mais une telle misère, ça, jamais !», assure l’ancienne institutrice à Montreuil, en colère. Elle a aménagé des séances de piscine pour qu’ils prennent des douches, a organisé des collectes pour habiller les enfants… et puis les ennuis ont commencé.

En 2009, trois familles de Roms bulgares abritées sous la voie de chemin de fer sont expulsées.Véronique ouvre son école aux familles mises à la rue. « Entre deux illégalités, accueillir les familles ou laisser les enfants dormir dehors, je n’ai pas tergiversé ». Un collectif de défense est mis en place, dont l’un des objectif consiste en la scolarisation des enfants Roms. Car Véronique ne plaisante pas avec l’école : elle se rend en personne sur les terrains, et, avec son caractère en acier trempé, menace : « En France, l’école est O-BLI-GA-TOIRE ! Si vos enfants ne sont pas assidus, vous allez voir ce que vous allez voir ! ». Peu à peu, les enfants se mettent à fréquenter l’école. Une victoire pour celle qui est devenue la directrice de la « scola michto », l’école où ça se passe bien.

Outre sa voix, l’autre arme fatale de Véronique, c’est la pédagogie Freinet. « Je considère que faire la classe doit être comme une randonnée : chacun va à son rythme, le guide passe parfois derrière ceux qui ont le plus de difficulté, mais au final, tout le monde doit arriver au refuge », explique-t-elle. Une manière de faire particulièrement adaptée pour les enfants Roms, qui, à 10 ans, n’ont parfois jamais fréquenté l’école.

Les expulsions sont autant de bâtons dans les roues de ce long travail d’intégration. « Ils effacent ces traumatismes de leur mémoire. Et tout ce qu’ils ont appris à l’école par la même occasion», raconte Véronique. Une de ses maitresses a appris trois fois à lire à un enfant l’année passée. Rebelote en cet automne 2014 : l’expulsion des Coquetiers a dispersé ses élèves à travers l’île de France. « Pour l’instant, seuls 30 élèves sur les 80 scolarisés dans la ville se sont présentés en classe L’un d’eux vient depuis Juvisy-sur-Orge ! » enrage-t-elle.

Passée son armure de fermeté et de colère, Véronique Decker est un d’une générosité sans bornes. « Roms ou pas rom, eux comme leurs parents savent qu’ils peuvent me trouver de 8h à 18h à l’école, et que je peux les aider à débrouiller leurs mille problèmes du quotidien », affirment la directrice. Il est 21 h, le téléphone sonne. C’est la maman de Mélissa, petite fille décédée l’année dernière dans un incendie aux Coquetiers, qui demande à Véronique de l’aider pour organiser l’anniversaire de la mort de sa fille. « Oui, demain, je vous accompagnerais voir le recteur de la mosquée »… Bref, on ne peut pas dire que cette syndicaliste de choc ne fasse pas d’heures supp.

Elsa Sabado

Véronique en quatre dates :

1973 : Elle découvre la politique au lycée à l’occasion de la loi Debray et du putsch de Pinochet

1983 : Elle est nommée directrice à l’école Marie Curie. « Rue Karl Marx, boulevard Lénine, elle était pour moi » !

2009 : Fondation du collectif de défense des Rom

12 février 2014: Son élève, Melissa, meurt dans les flammes de l’incendie des Coquetiers.

BobignyElsa Sabadodirectriceromsécole
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Elsa Sabado

Diplômée du CUEJ, crû 2012, La Croix, Le 13 du mois, Pèlerin, L’Expansion m’ont mis le pied à l’étrier. Aujourd’hui, en parallèle de ces contributions, j’aimerais développer le volet « proposition de sujets » de mon activité. Encore à la recherche d’une « spécialité », mes sujets favoris tournent autour des questions sociales, migratoires et de genre. Ayant en horreur l’image d’un postérieur vissé à sa chaise tournante, je prend plaisir à partir en reportage, à enquêter ou à réaliser des portraits. Enracinée dans mon 93 natal, foisonnant de sujets, je suis aussi tentée par l’aventure à « l’étranger », et plus particulièrement dans le monde arabe.

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